Ce COI Focus dresse un état des lieux de la situation sécuritaire au Burundi et des suites de la crise politique déclenchée en avril 2015 autour du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Ce document, qui est une mise à jour du COI Focus du 31 mars 2017, porte en particulier sur les développements qui ont eu lieu entre avril 2017 et le 10 juin 2018.
La crise burundaise trouve ses racines en 2015 dans la controverse autour du troisième mandat du président Nkurunziza. Après des manifestations réprimées par la police avec une force excessive, selon HRW et AI, et un coup d’État déjoué par les forces loyalistes, la violence prend, selon ICG, un caractère insurrectionnel avec des attaques contre les forces de l’ordre, des opérations policières meurtrières et de nombreuses violations des droits de l’homme. Des groupes rebelles formés début 2016 ne parviennent pas à se fédérer et constituer une menace crédible pour le régime.
Alors que la commission d’enquête onusienne estime qu’il n’y a pas de conflit armé et que, depuis 2016, différentes sources notent une baisse manifeste de la violence et l’absence d’affrontements armés, la communauté internationale et la société civile font état d’une répression plus discrète mais plus systématique, d’un climat de terreur ciblant toute forme de dissidence. Ils dénoncent la détérioration de la situation des droits de l’homme avec des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des tortures, des violences sexuelles, des arrestations et détentions arbitraires, commises en toute impunité. À l’approche du référendum de mai 2018 portant sur une révision constitutionnelle permettant au président et au CNDD-FDD de consolider leur pouvoir, des ONG font état d’une recrudescence des violations à l’encontre de toute opposition présumée ou vraie.
Bien que la FIDH et la ligue Iteka affirment en 2016 qu’une « répression aux dynamiques génocidaires » visant les Tutsi se déploie, la commission d’enquête des Nations unies ne décèle pas de volonté politique génocidaire. Par ailleurs, la commission affirme que des crimes contre l’humanité ont eu lieu. Elle désigne comme auteurs de ces crimes de hauts responsables de l’État, des agents du SNR, de la police et de l’armée, des autorités administratives locales ainsi que des Imbonerakure. Ces violations s’inscrivent dans le cadre d’une attaque généralisée, voire même systématique, contre une population en grande majorité civile en vue de réprimer toute opposition ou voix discordante, selon la commission. En octobre 2017, la CPI ouvre une enquête sur ces crimes.
HRW et AI indiquent que le nombre de victimes est difficile à déterminer et que plusieurs incidents et abus ne sont pas rapportés, surtout à l’intérieur du pays. Entre avril 2015 et mai 2018, la ligue Iteka compte 1.710 meurtres, des centaines de disparitions, de cas de torture et de violence sexuelle, et des milliers d’arrestations. Le bilan d’ACLED pour cette même période dépasse les 2.000 victimes. Les violations des droits de l’homme affectent principalement les opposants ainsi que « toute forme de dissidence […] réelle ou imaginaire », d’après HRW. Selon la commission d’enquête onusienne, des activistes, des journalistes et leurs proches, et des ressortissants rwandais ont également fait l’objet de graves abus, tout comme des Burundais qui ont séjourné dans des pays voisins et sont rentrés au pays. Des représentants du parti au pouvoir ont eux aussi été ciblés.
La commission d’enquête des Nations unies indique que des personnes sans affiliation politique ont été visées pour avoir refusé de cotiser ou d’adhérer au CNDD-FDD. Plusieurs sources relèvent une hausse des crimes commis par des Imbonerakure contre des civils.
Tandis que, selon ACLED, les incidents se situaient en 2015 surtout dans les quartiers contestataires de la capitale, cette source indique, tout comme les Nations unies, que depuis 2016 la violence se répand à l’intérieur du pays.
Près de 400.000 Burundais se sont réfugiés dans les pays voisins. Le HCR est confronté à une pénurie grave de moyens entravant l’aide humanitaire et la protection des réfugiés dans des camps surpeuplés. La crise a aussi provoqué le déplacement interne de milliers de personnes.
La pression de la communauté internationale pour un dialogue inclusif ne produit pas de résultats. Plusieurs pays, dont la Belgique, ont suspendu la coopération. La crise politique et budgétaire a un effet dévastateur sur la liberté de mouvement, sur l’économie, sur l’enseignement et sur la santé publique, selon plusieurs sources. Avec 3,6 millions de personnes qui ont besoin d’assistance, le Burundi est retombé dans l’urgence humanitaire, selon la commission d’enquête onusienne.
Politique de traitement
Depuis l’annonce de la candidature du président Nkurunziza pour un troisième mandat le 25 avril 2015, et la tentative de coup d’Etat manqué du 13 mai 2015, la situation sécuritaire au Burundi s’est progressivement dégradée. Actuellement, le pays connaît une situation sécuritaire problématique et grave. Cette situation a donné lieu à de nombreux actes de violences, la plupart ciblés, émanant principalement de la part des autorités, mais qui peuvent également être perpétrés par des opposants au pouvoir. Si les affrontements entre les forces de l’ordre et des groupes armés sont devenus rares, de graves violations des droits de l’homme à l’égard d’opposants et d’activistes sont courantes et largement répandues, de même que la répression de toute forme de dissidence réelle ou imaginaire. Depuis le début de la crise, plus de 400.000 Burundais ont fui vers les pays voisins.