Situation sécuritaire liée au conflit anglophone

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Cette recherche dresse un état des lieux de la situation sécuritaire dans les régions anglophones du Cameroun. Elle porte en particulier sur la période allant d’octobre 2019 à octobre 2020. Ce document est une mise à jour du COI Focus intitulé La crise anglophone : situation sécuritaire, daté du 1er octobre 2019. La recherche s’est clôturée le 7 octobre 2020.

La crise anglophone a commencé en novembre 2016 par des grèves accompagnées de revendications de réformes, portées notamment par des avocats, des étudiants et des enseignants. En octobre 2017, la situation a dégénéré en conflit armé. Durant la période étudiée dans ce rapport (octobre 2019-octobre 2020), la violence a continué, avec des pics lors de moments clés tels que les élections, la rentrée scolaire ou certaines dates symboliques.

Les affrontements entre les forces camerounaises et les séparatistes armés se sont poursuivis en zone anglophone. Les séparatistes pourraient compter sur une force de frappe évaluée entre 2.000 et 4.000 combattants. Les différents groupes armés sont dirigés depuis l’étranger par des leaders anglophones issus de la diaspora. Ces derniers ont montré des difficultés à maintenir le contrôle sur leurs troupes de terrain et des rivalités entre chefs donnent naissance à des luttes intestines.

Des violations des droits de l’homme sont commises tant par les séparatistes que par les forces gouvernementales. Les séparatistes se sont rendus responsables d’homicides, d’enlèvements, de rackets et d’intimidations. Dans certains cas, ils nient la responsabilité de ces crimes qu’ils imputent à des « fake ambas » (faux séparatistes), instrumentalisés par les autorités pour décrédibiliser leur cause. Les forces camerounaises sont accusées de mener des raids sur des villages, de procéder à des rafles, des exécutions extrajudiciaires ainsi qu’à des arrestations et détentions arbitraires, de tirer aveuglément sur la foule et d’imposer des traitements inhumains et dégradants.

Dans cette situation de violence, les civils des deux régions anglophones sont pris en étau entre les forces gouvernementales et les séparatistes armés. Les séparatistes visent en particulier les civils qu’ils soupçonnent de collaborer avec les forces gouvernementales et ceux qui refusent de se soumettre aux boycotts imposés. Les forces de défense et de sécurité mènent une campagne de représailles à l’égard de ceux qui, d’après elles, soutiennent les combattants armés. Dans ce contexte, le personnel de santé, les travailleurs humanitaires, les élèves et le personnel éducatif ainsi que les journalistes sont des catégories particulièrement ciblées par la violence.

Les violences sont contenues au sein des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et touchent tant les zones rurales que les centres urbains. Mis à part l’un ou l’autre incident dont les responsabilités n’ont pas été formellement attribuées, les violences liées au conflit anglophone n’ont pas atteint la zone francophone.

Le nombre de déplacés internes s’élève, en date du 31 août 2020, à 679.000 personnes. Si la majorité des déplacements se font à l’intérieur des deux régions anglophones, les anglophones se réfugient également en nombre dans la zone francophone où ils vivent dans une grande précarité. De manière générale, leur sécurité y est garantie. Toutefois, les contrôles d’identité et les rafles des autorités semblent viser davantage les anglophones que d’autres communautés. Lors de contrôles, les personnes ne disposant pas de documents d’identité en règle peuvent être emmenées au commissariat et détenues si elles ne parviennent pas à monnayer leur libération. Sauf quelques cas isolés, les anglophones ne subissent pas de discriminations de la part des populations francophones. Les séparatistes ne s’en prennent pas aux déplacés réfugiés en zone francophone mais il n’est pas rare que des anglophones établis dans la région avant le conflit et jouissant de positions ou fonctions importantes voient leurs familles restées en région anglophone victimes de menaces, d’enlèvement ou de rackets.

La vie quotidienne est largement impactée par le conflit. Les populations sont dans une situation sanitaire critique. La majorité des centres de santé ont été désertés ou ne sont plus en mesure de fonctionner normalement. L’aide humanitaire est réduite du fait de l’insécurité. Selon les estimations, 850.000 enfants sont déscolarisés et plus de 90 % des établissements scolaires des régions anglophones sont fermés en raison du boycott du système éducatif imposé par les séparatistes. La déscolarisation et l’errance font des jeunes une population à risque, tentée de s’engager dans des activités informelles voire criminelles pour quelques revenus (commerce transfrontalier, prostitution, enlèvements, vols, etc.). La sécurité alimentaire est également précaire : de nombreuses terres agricoles ont été abandonnées et certaines récoltes ont été détruites. Les barrages routiers formels et informels, utilisés tant par les autorités que par les groupes armés, ont rendu la circulation des personnes et des biens difficile et risquée. Néanmoins, l’accès à la zone anglophone par la route depuis la zone francophone, et vice versa, est possible. Des véhicules de transport en commun circulent mais avec difficulté et des risques imprévisibles. Des blocus prolongés ont été imposés par les séparatistes mais ont tendance à être moins respectés que les opérations villes mortes observées les lundis, lesquelles continuent à être suivies.

Politique de traitement

La politique définie par le commissaire général se fonde sur une analyse approfondie d’informations récentes et détaillées sur la situation générale dans le pays. Ces informations ont été recueillies de manière professionnelle auprès de diverses sources objectives, dont le Bureau européen d’appui en matière d’asile, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, des organisations internationales de défense des droits de l’homme, des organisations non gouvernementales, ainsi que la littérature spécialisée et les médias. Pour définir sa politique, le commissaire général ne se fonde donc pas exclusivement sur les COI Focus publiés sur le site du CGRA, qui ne traitent que de certains aspects particuliers de la situation du pays. Le fait qu’un COI Focus date d’un certain temps déjà ne signifie donc pas que la politique menée par le commissaire général ne soit plus d’actualité.

Pour examiner une demande d’asile, le commissaire général tient non seulement compte de la situation objective dans le pays d’origine à la date de la décision mais également de la situation individuelle et des circonstances personnelles du demandeur. Chaque demande d’asile est examinée au cas par cas. Le demandeur d’asile doit montrer de manière suffisamment concrète qu’il éprouve une crainte fondée de persécution ou court un risque réel d’atteintes graves. Il ne peut donc se contenter de renvoyer à la situation générale dans son pays mais doit également présenter des faits concrets et crédibles le concernant personnellement.

Pour ce pays, il n’y a pas une note de politique de traitement disponible sur le site Internet du CGRA.

Land: 
Cameroun