Ce rapport dresse un état des lieux de la situation sécuritaire dans les régions anglophones du Cameroun. Il porte en particulier sur la période allant d’octobre 2020 à octobre 2021. Ce document met à jour le COI Focus intitulé Situation sécuritaire liée au conflit anglophone, daté du 16 octobre 2020. La recherche a été clôturée le 17 novembre 2021.
La crise anglophone a commencé en novembre 2016 par des manifestations pacifiques, accompagnées de revendications de réformes, portées notamment par des avocats, des étudiants et des enseignants. Fin 2017, la situation a dégénéré en conflit armé. Durant la période étudiée dans ce rapport (octobre 2020-octobre 2021), la violence a continué, avec des pics observés au début et au milieu de l’année 2021.
Les affrontements entre les forces camerounaises et les séparatistes armés se sont poursuivis en zone anglophone. Les groupes séparatistes pourraient compter sur une force de frappe évaluée entre 2.000 et 4.000 combattants. Les séparatistes ont peu à peu délaissé leurs revendications idéologiques et ont adopté, au sein d’une multitude de groupes armés, des pratiques relevant de la criminalité. En 2021, ces derniers ont changé leur mode opératoire, privilégiant une tactique de l’usure visant très spécifiquement les militaires, notamment par des embuscades à l’engin explosif.
Des violations des droits de l’homme sont commises tant par les groupes armés que par les forces gouvernementales. Les séparatistes se sont rendus responsables d’homicides, d’enlèvements, de rackets et d’intimidations. Les forces camerounaises sont accusées de mener des opérations punitives sous forme de raids sur des villages, de procéder à des tortures, des pillages, des exécutions extrajudiciaires ainsi qu’à des arrestations et détentions arbitraires. Des violences basées sur le genre sont perpétrées par les deux camps.
Dans ce climat de violence, les civils des deux régions anglophones sont pris en étau entre les forces gouvernementales et les séparatistes armés. Les séparatistes visent en particulier les civils qu’ils soupçonnent de collaborer avec les forces gouvernementales et ceux qui refusent de se soumettre aux boycotts imposés. Les forces de défense et de sécurité mènent une campagne de représailles à l’égard de ceux qui, d’après elles, soutiennent les combattants armés. Dans ce contexte, les élèves et le personnel éducatif, les travailleurs humanitaires, le personnel de santé, les chefs traditionnels ainsi que les journalistes sont des catégories particulièrement ciblées par la violence.
Les violences sont contenues au sein des régions anglophones et y sont plus prononcées au Nord-Ouest qu’au Sud-Ouest. Les zones rurales sont davantage touchées que les centres urbains qui bénéficient d’une présence plus importante des forces gouvernementales. Les centres-villes sont néanmoins affectés par la violence de manière imprévisible. Mis à part l’un ou l’autre incidents dont les responsabilités n’ont pas été formellement attribuées, il n’est pas possible de parler d’exportation de la violence vers la zone francophone.
L’insécurité a contraint plus de 712.000 personnes à fuir les régions anglophones et à se déplacer à l’intérieur du territoire camerounais. Si la majorité des déplacements se font à l’intérieur des deux régions anglophones, les anglophones se réfugient également en nombre dans la zone francophone où ils vivent dans une grande précarité. Les sources consultées indiquent principalement que les déplacés ne subissent pas de discriminations ciblées de la part des autorités parce qu’ils sont anglophones. Les communautés anglophones déplacées peuvent faire l’objet de rafles, mais leur nombre a sensiblement diminué en 2021. Certains déplacés sont également arrêtés dans le but de leur extorquer de l’argent ou de les intimider. Les déplacés anglophones bénéficient de l’entraide et de la sympathie des populations d’accueil francophones et l’on n’observe pas de tensions entre les communautés.
Le conflit a largement impacté la vie quotidienne dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Quelque 700.000 enfants ont été déscolarisés à cause du boycott de l’éducation imposé par les séparatistes et de l’insécurité touchant le secteur. Depuis la réouverture progressive des écoles le 5 octobre 2020, après une période de plusieurs mois de fermeture en raison des restrictions imposées par le Covid-19, une augmentation notable des taux de scolarisation a été suivie d'un pic d'attaques contre l'éducation. La rentrée scolaire d’octobre 2021 a eu lieu mais des violences ont continué de toucher les établissements scolaires. Les habitants de ces régions ne peuvent accéder aux services de base en raison de l'insécurité. Les barrages routiers mis en place par les groupes armés et les checkpoints des autorités perturbent la circulation sur les axes routiers des régions anglophones. Les personnes qui veulent les traverser sont rackettées, sans pour autant être victimes de violences. Malgré certains risques sécuritaires imprévisibles, l’accès à la zone anglophone par la route depuis la zone francophone, et vice versa, est possible. Les lockdowns et les Monday ghost towns imposés par les séparatistes continuent à être largement observés, avec une adhésion moindre à Buea.
Politique de traitement
La politique définie par le commissaire général se fonde sur une analyse approfondie d’informations récentes et détaillées sur la situation générale dans le pays. Ces informations ont été recueillies de manière professionnelle auprès de diverses sources objectives, dont le Bureau européen d’appui en matière d’asile, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, des organisations internationales de défense des droits de l’homme, des organisations non gouvernementales, ainsi que la littérature spécialisée et les médias. Pour définir sa politique, le commissaire général ne se fonde donc pas exclusivement sur les COI Focus publiés sur le site du CGRA, qui ne traitent que de certains aspects particuliers de la situation du pays. Le fait qu’un COI Focus date d’un certain temps déjà ne signifie donc pas que la politique menée par le commissaire général ne soit plus d’actualité.
Pour examiner une demande d’asile, le commissaire général tient non seulement compte de la situation objective dans le pays d’origine à la date de la décision mais également de la situation individuelle et des circonstances personnelles du demandeur. Chaque demande d’asile est examinée au cas par cas. Le demandeur d’asile doit montrer de manière suffisamment concrète qu’il éprouve une crainte fondée de persécution ou court un risque réel d’atteintes graves. Il ne peut donc se contenter de renvoyer à la situation générale dans son pays mais doit également présenter des faits concrets et crédibles le concernant personnellement.
Pour ce pays, il n’y a pas une note de politique de traitement disponible sur le site Internet du CGRA.