Premier confinement : pas d’entretiens personnels au CGRA
Le Commissaire général a décidé le 13 mars 2020, deux jours avant le confinement général du pays, de suspendre les entretiens personnels au CGRA à partir du 16 mars 2020. Le 18 mars 2020, l’OE, le CGRA, le CCE et la ministre à l’époque en charge de l’asile et de la migration, ont diffusé un communiqué conjoint pour annoncer la suspension, avec effet immédiat, de l’enregistrement des demandeurs au Petit-Château et des entretiens personnels au CGRA. Seules les audiences en extrême urgence étaient encore assurées au CCE. Les services de la migration et de l’asile ont toutefois été jugés essentiels. Comme l’organisation des entretiens ne prévoyait pas suffisamment de mesures adéquates pour qu’elles puissent se dérouler en toute sécurité, une suspension temporaire des entretiens personnels a été décidée pour la sécurité des collaborateurs, des interprètes, des demandeurs et des avocats.
Pendant la suspension des entretiens, soit un peu moins de trois mois, les collaborateurs du CGRA se sont entièrement consacrés à la finalisation des dossiers dans le cadre desquels un entretien avait déjà eu lieu, ce qui a permis de résorber une partie de l’arriéré. Des dossiers pour lesquels une décision pouvait être prise sans entretien personnel ont également été identifiés, essentiellement des dossiers où il ressort du profil du demandeur et des documents déposés qu’une reconnaissance du statut de réfugié peut être envisagée (p. ex. certains profils syriens). Les entretiens personnels par vidéoconférence avec des demandeurs en centre fermé n’ont toutefois pas été suspendues.
Le télétravail au CGRA
Le passage au télétravail s’est fait sans peine au CGRA : un projet-pilote de travail à distance avait été lancé dès 2006. Depuis de nombreuses années, la plupart des collaborateurs avaient déjà la possibilité de faire du télétravail deux jours par semaine. Le CGRA disposait donc des moyens informatiques et des procédures nécessaires pour élargir le télétravail aux services où il n’était pas encore appliqué.
Reprise des entretiens personnels
Pendant la suspension, nous avons travaillé à une refonte de l’organisation des entretiens personnels. Des écrans en plexiglas ont été installés dans les locaux d’audition et les sièges ont été espacés. Le fonctionnement de l’accueil a été entièrement revu pour éviter qu’un trop grand nombre de personnes y soit présentes en même temps. L’obligation du port du masque a été imposée dans les bâtiments. Le conseiller en prévention, les représentants des syndicats et les médecins du travail ont tous approuvé ce cadre adapté. Les entretiens personnels ont progressivement repris à partir du 8 juin 2020. Un système de créneaux horaires a été mis en place, pour éviter que trop de demandeurs et d’avocats soient invités en même temps au CGRA.
Initialement, la priorité allait surtout aux demandeurs en centre d’accueil. Il était demandé aux centres de veiller à ce que les demandeurs qui présentaient des symptômes, qui avaient eu des contacts à risque ou qui devaient observer une quarantaine ne se rendent pas au CGRA.
Pour expliquer clairement ces nouvelles mesures, un petit film a été réalisé pour illustrer le trajet d’un demandeur au CGRA et une annexe disponible en 12 langues était jointe à la convocation pour détailler les principales mesures. Cet effort de communication a été relayé auprès des demandeurs avec l’aide de nos partenaires.
Les entretiens personnels n’ont pas été suspendus pendant la deuxième vague de l’automne 2020. Un cadre sûr avait été mis en place pour permettre la tenue des entretiens et garantir la continuité du système de l’asile. Nous avons soumis chaque mesure au conseiller en prévention et insisté auprès de toutes les parties sur la nécessité d’un strict respect des mesures. Des capteurs de CO² ont été installés dans tous les locaux d’audition, ce qui nous a permis de constater le bon fonctionnement des systèmes d’aération, les seuils d’alertes n’étant pas dépassés.
Jusqu’à présent, ces mesures sont toujours strictement appliquées et évaluées au CGRA.
La reprise des entretiens et le nouveau cadre mis en place ont demandé un effort de nombreux collaborateurs. Les agents de l’accueil devaient assurer des tâches supplémentaires, notamment veiller au respect des mesures de sécurité. Pour les officiers de protection également, le nouveau cadre des entretiens a nécessité un effort d’adaptation. Tous ont fait preuve de beaucoup d’engagement et de motivation, ce qui a permis d’assurer les entretiens en toute sécurité.
Témoignage de Daphné, officier de protection, après un premier entretien personnel dans le nouveau cadre
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L’aspect un peu médicalisé (les collègues avec des masques, les gants...) a été compensé par un surplus de bienveillance et d’attention de la part de chacun, que ce soit de la part des collègues à l’accueil mais également de la part des avocats et des demandeurs. J’avais l’impression que chacun vraiment y mettait du sien pour que tout se passe bien."
Des entretiens en vidéoconférence ?
Le CGRA a également examiné avec Fedasil la possibilité d’organiser des entretiens par vidéoconférence avec des demandeurs en centre ouvert. Un projet-pilote commun a été lancé en ce sens à l’automne 2020. Ce projet fait suite à un premier projet-pilote mené avec la Croix-Rouge et qui a permis d’interviewer par vidéoconférence une dizaine de mineurs non accompagnés. La Commission européenne et l’UNHCR se sont tous deux déclarés favorables à cette formule, qui permet de garantir la continuité du régime d’asile pendant la pandémie. D’autres États membres, tels que les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark ont également adopté cette pratique avec succès.
Le 27 novembre 2020, l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, ainsi que l’ASBL Nansen, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, la Ligue des Droits de l’Homme et l’ASBL Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers ont introduit à l’encontre de ce projet un recours en suspension en extrême urgence devant le Conseil d’État. Un arrêt prononçant la suspension a été rendu le 7 décembre 2020. Le Conseil d’État a estimé que l’organisation d’entretiens personnels par vidéoconférence dans les centres ouverts entraînait une modification des conditions de l’entretien. Or, selon le Conseil, cela n’entre pas dans les compétences du CGRA car l’arrêté royal du 11 juillet 2003, qui détermine les conditions de l’entretien personnel, ne peut être modifié que par voie législative. Dès lors s’impose une modification de l’arrêté royal fixant le fonctionnement du CGRA.
Impact sur la réserve de dossiers et l’arriéré
En mars et avril 2020, une baisse drastique des demandes et la priorité donnée aux dossiers dans lesquels une décision pouvait être prise ont permis de réduire l’arriéré. Le nombre de demandes est reparti à la hausse à partir de l’été 2020 et, à la fin de l’année, il atteignait presque le niveau d’avant la crise du Covid-19.
Plusieurs facteurs ont entravé une hausse rapide du nombre de décisions. La nécessité de limiter le nombre d’entretiens par créneau horaire ne permet pas d’organiser les entretiens à pleine capacité. Pendant toute la durée de la pandémie, mais surtout à l’automne 2020, des entretiens ont également dû être annulés pour cause de maladie ou de placement en quarantaine d’un collaborateur, d’un demandeur ou d’un interprète.
La crise du Covid-19 a en outre eu un impact sur l’intégration des nouveaux collaborateurs. Fin 2019 et début 2020, ce sont au total 40 officiers de protection qui ont commencé à travailler au CGRA. Grâce à la flexibilité des formateurs, ils ont pu suivre en ligne une grande partie de leur formation. Comme les entretiens personnels n’ont pu reprendre que progressivement, ils n’ont pu mener le nombre prévu d’entretiens pendant leur formation de 6 mois. Il leur a donc fallu un peu plus de temps pour qu’ils soient pleinement opérationnels et atteignent la productivité escomptée.